Sénèque (4 avant notre ère – 65)
Philosophe pour certains, simple écrivain pour d’autres, la figure de Sénèque est une source de discussions depuis 2000 ans.
Riche romain, banquier, sénateur, précepteur de Néron puis « ami du prince », il est le digne héritier de Cicéron qui vécut un siècle auparavant. Il incarne l’homme total réunissant en son sein un talent incontestable pour l’écriture, le commerce et la politique.
Concernant sa philosophie, sa pensée est celle des stoïciens que l’on peut diviser en trois générations. La première génération – celle de la fondation – est représentée par Zénon de Kition (grecque), la seconde par Chrysippe de Soles (grecque) et, enfin, la troisième au sein de laquelle sont réunis Sénèque, l’empereur romain Marc-Aurèle et Epictète (romaine).
Sa vision de la sagesse tend vers l’élaboration d’un art de vivre voire d’une recette du bonheur individuel et est, notamment, explicitée dans son œuvre maitresse : Les Lettres à Lucilius. Lors d’échanges épistolaires avec le susmentionné Lucilius, un épicurien, il expose au cours de 124 lettres sa façon de réponse à la question suivante : Comment garantir sa liberté intérieure ?
Répondre à cette question et en appliquer le fruit, telle est l’ambition d’un homme placé au cœur des intrigues politiques, des conspirations et des manœuvres commerciales. Dans ces écrits, il réfléchit, doute, émet des hypothèses sur les moyens permettant de se protéger des aléas du destin et de la folie des hommes.
Une part notable de sa pensée s’articule autour de l’euthanasie, du grec ancien « Bonne mort ». En effet, il énonce dans sa lettre 70 : « Je choisirai le navire sur lequel je dois embarquer, la maison où je dois loger : je ferai de même pour ma mort quand je m’en irai de la vie. ». La mort volontaire est un pilier de la pensée stoïcienne et le modèle est celui de Caton d’Utique (95 – 12 avant notre ère) qui, assistant à la montée du despotisme à Rome, parcourt les œuvres de Platon (notamment Phédon qui traite de l’immortalité de l’âme) une dernière fois avant de se tuer d’un coup de glaive porté au cœur.
Après une période de déclin politique durant laquelle il rédige les Lettres à Lucilius, il est condamné au suicide par Néron qui le soupçonne de comploter contre lui et accepte son destin comme le fit Socrate en son temps lors de sa condamnation à mort. Appliquant sans fléchir les principes stoïciens, les derniers instants de sa vie, tels que dépeints sans détour par Tacite, se déroulent ainsi : il s’ouvre les veines des bras, puis on lui entaille les veines des jambes avant de l’accompagner dans un bain d’eau chaude pour faciliter l’hémorragie qui peine à le tuer.
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