Les Hittites
Les hittites furent les grands oubliés de l’histoire anatolienne, et plus généralement du Proche-Orient, jusqu’au 19ème siècle. Peuple indo-européen implanté durant des millénaires sur le plateau anatolien (actuellement en Turquie), sa civilisation se déploie sur une aire d’influence importante – mais toujours fluctuante – durant près de 2 000 ans avec pour capitale Hattusa.
Que connaissions-nous des hittites jusqu’à leur redécouverte par l’explorateur J.L. Burckhardt au tout début du 19ème siècle ? D’une part, ils apparaissent comme les grands rivaux de l’Egypte à travers des affrontements, des échanges diplomatiques et un important conflit avec le pharaon Ramsès II. D’autre part, ils sont mentionnés dans la bible au sein du deuxième livre des rois (chapitre 7, verset 6) en ces mots : « Yahvé avait fait entendre dans le camp des Araméens, un bruit de chars et de chevaux, le bruit d’une grande armée, et ils s’étaient dit entre eux : « le roi d’Israël a pris à sa solde contre nous les rois des Hittites et les rois d’Egypte, pour qu’ils marchent contre nous. » […] ».
L’histoire millénaire des Hittites s’articule autour d’une succession de périodes, toutes se déroulant avant notre ère :
– Pré-hittite du 7ème au 3ème millénaire ;
– Ere des comptoirs assyriens du 19ème au 16ème siècle ;
– Ancien royaume hittite de 1650 à 1465 ;
– Amorce de l’empire hittite de 1465 à 1350 ;
– Empire hittite de 1350 à 1185 ;
– Structures néo-hittites de 1185 à 700.
Relativement à l’empire et ses déclinaisons, les fouilles entreprises permettent de révéler la complexité de la structure langagière de cette unité politique. En effet, pas moins de sept langues figurent sur les différentes stèles et tablettes mises au jour : l’akkadien, l’hourrite, le sumérien, le hatti et 3 dialectes Hattousa. Ces différentes langues prennent la forme d’écritures de type cunéiforme et hiéroglyphique semblables à celles des voisins mésopotamien et égyptien.
Le pouvoir est articulé autour d’un roi aux multiples rôles. Il est le commandant suprême de l’armée, l’autorité judiciaire suprême, le chef des prêtres et le responsable de la diplomatie. Parmi ces fonctions, celle de grand prêtre apparait comme prédominante au sein du pays hittite comptant « mille dieux » comme l’expriment les hittites eux-mêmes. En effet, c’est en tant que grand prêtre que le souverain est le plus souvent représenté sur les monuments. Néanmoins, contrairement aux pharaons, il n’est pas un dieu de son vivant mais le devient seulement après sa mort. Cette divinisation n’est pas sans rappeler le futur hommage – l’apothéose – rendu aux empereurs romains préchrétiens lors de leur disparition lorsque le Sénat en juge digne le trépassé.
Le roi était assisté d’une administration complexe, du panku (assemblée du roi) et de la reine. Cette dernière dispose d’un statut clé au sein de la sphère du pouvoir. Grande-prêtresse elle-même, elle assiste le roi dans toutes les grandes cérémonies et pouvait tout à fait exercer les pouvoirs souverains en cas de crise, notamment lors des périodes de régence. Deux éléments factuels soulignent l’importance de la reine. En matière de funérailles, les cérémonies accompagnant sa disparition sont de la même durée que celles du roi. En matière épistolaire, Ramsès II adresse des lettres aussi bien au roi (Hattusili III) qu’à la reine Hittite (Puduhepa) sans distinction de rang entre les deux destinataires.
Enfin, la diplomatie n’est pas d’essence belliqueuse. La guerre n’est qu’un moyen parmi d’autres et l’un des devoirs du roi est d’amener toutes les puissances à entrer dans une relation positive avec lui. Ainsi l’assyriologue Paul Garelli note que : « les Hittites reconnaissent volontiers des puissances égales à la leur ; mais ces puissances doivent entrer dans un système de relations réciproques, régi par des normes juridiques ».
Société surprenante eu égard à certains préceptes engageant les gouverneurs à être équitables envers le peuple, à ne pas favoriser les grands propriétaires et à assurer une protection pour les plus faibles, l’empire hittite – au sens large du terme – contraste avec ces voisins en organisant un système pénal graduel, en assurant un statut pour la femme et en veillant à limiter les abus envers les esclaves. Le professeur Isabelle Klock-Fontanille parle d’un proto-humanisme hittite et les faits tendent à étayer cette vision.
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Les hittites par Isabelle Klock-Fontanille
Le Proche-Orient asiatique (Tome 1) par Paul Garelli
Les hittites et leur histoire par Jacques Freu, Michel Mazoyer