Le césaropapisme
Le césaropapisme consiste en la réunion du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel sous l’autorité unique de l’empereur. Le césaropapisme caractérise l’exercice du pouvoir de nombreux empereurs et souverains en Orient et, avec moins de succès, en Occident durant des siècles.
L’espace-temps propre au césaropapisme est ancien – du 3ème au 11ème siècle – mais le concept a été élaboré au 19ème siècle afin de définir l’imbrication intervenue entre pouvoir temporel (empereur, roi, etc…) et le pouvoir spirituel découlant de la pratique d’un monothéisme, notamment chrétien. A l’égard de l’Islam, ce concept peut aussi être appliqué au Sultan qui détient alors l’ensemble des pouvoirs.
Théologiquement, ce concept est issu d’une lecture approfondie d’un verset figurant dans le nouvel évangile : « Rendez à César ce qui est à César » (Matthieu, XXII, 21 ; Luc, XX, 25) qui s’est heurtée à une réalité politique : la conversion des empereurs romains au christianisme. En effet, héritiers d’une tradition séculaires d’un pouvoir centralisé et déifié, les empereurs romains puis byzantins (même si la distinction n’est qu’historique) n’ont pas renoncé à leur rôle prépondérant en matière spirituelle, bien au contraire.
Ce rapprochement n’est pas toutefois pas critiqué par un contemporain de la conversion de l’empire romain à la chrétienté : Eusèbe de Césarée. Il pense que le règne de Constantin s’inscrit dans un dessein divin et qu’il a reçu – ainsi que les empereurs à venir – la mission de guider l’empire vers le salut et la foi chrétienne. Prosaïquement, la perception susmentionnée est l’adaptation au christianisme romain de l’idée hellénistique de la royauté sacrée déjà critiquée par Caton l’ancien, Cicéron, etc…
Entamée au 4ème siècle, cette dynamique du pouvoir connait son apogée au 6ème siècle de notre ère avec le règne de l’empereur Justinien Ier. La compétence religieuse du prince se trouve inscrite dans l’idéologie impériale et entend répondre à un besoin politique (Justinien aspire à reconquérir la partie ouest de l’empire romain) en même temps qu’à un idéal religieux d’unification de la chrétienté morcelée par de nombreuses hérésies.
Cet ascendant du temporel sur le spirituel demeure l’apanage de la sphère orientale de la méditerranée car entre le succès éphémère de l’empire carolingien et le manque de centralisation du saint empire romain germanique, la papauté incarnée par Grégoire VII profite de la faiblesse temporelle du pouvoir occidental et affirme que la plénitude de pouvoir, en latin plenitudo potestatis (temporel et spirituel), appartient au souverain pontife. La vision césapapiste se trouve ainsi concurrencée par son pendant, le papocésarisme.
Cette hésitation voire ce conflit entre césaropapisme et papocésarisme illustrent un mouvement de balancier continu entre les deux sphères du pouvoir de l’antiquité tardive et du haut moyen-âge : le temporel et le spirituel. Ce n’est qu’au 16ème siècle que cette querelle est dépassée par l’avènement et la montée de l’état-nation souhaitant limiter les influences externes, aussi bien papales qu’impériales.
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Empereur et prêtre, Étude sur le « césaropapisme » byzantin par Gilbert Dagron,
L’Église, De saint Augustin à l’époque moderne par Yves Congar,