Bataille de Talas (751)

L’éducation occidentale, à tout le moins française, souligne l’importance de la bataille de Poitiers opposant le califat Omeyyade et les royaumes Francs dans l’arrêt des conquêtes arabes en direction de l’Occident. En revanche, nos chronologies font rarement état de son équivalent oriental : la bataille de Talas. Bien que la première soit une défaite et la seconde une victoire, toutes deux marquent un tournant dans la géopolitique du jeune, mais divisé, empire arabe. 

Géographiquement, de quoi parle-t-on exactement ? La zone concernée, la Transoxiane, correspond approximativement à l’Ouzbékistan et au Tadjikistan modernes, au sud-ouest du Kazakhstan et au sud Kirghizistan. Parmi les villes remarquables de cet espace : Samarcande et Boukhara. Par ailleurs, cette région est à la frontière orientale de la Chine et occidentale de l’empire Arabe, ce qui amène les deux puissances à s’opposer par le biais des seigneurs locaux pour maintenir leur domination, même indirecte, sur une zone clé du commerce eurasien. 

L’ingérence locale devient conflit ouvert au 8ème siècle lorsque la Chine comprend les risques d’une jonction des Arabes et des Tibétains qui aurait pour conséquence une perte de contrôle sur l’Asie centrale. Les forces militaires en présence prennent en ampleur (plusieurs dizaines de milliers a minima) et c’est à la suite d’une énième querelle locale que l’affrontement frontal intervient. 

Au début de la bataille, l’armée chinoise semble l’emporter mais la situation s’inverse au profit du califat Abbasside. Finalement, l’armée Tang est trahie par ses mercenaires Karlouks et voit ses alliés de Ferghana prendre la fuite. Les mercenaires susmentionnés, représentant les deux tiers de l’armée Tang, désertent au profit de l’adversaire pendant la bataille avant de prendre à revers les troupes chinoises. Les soldats des Tang sont incapables de tenir leurs positions face à cette prise en tenailles et le général Gao Xianzhi sonne la retraite des troupes chinoises de la Transoxiane. 

L’empire chinois, miné par une guerre civile connue comme la révolte d’An Lushan, ne parvient pas à contester les nouvelles possessions territoriales arabes et se recentrent sur ses possessions historiques tout en continuant pendant encore plusieurs siècles à exercer une grande influence sur l’Asie centrale. 

Conséquence directe de la bataille de Talas, de nombreux prisonniers sont emmenés vers les possessions arabes. Parmi eux, certains sont instruits de techniques encore inconnues autour du bassin méditerranéen comme la poudre à canon, le papier et la soie. La fabrication du papier permet de donner encore plus de force à la diffusion du Coran mais aussi des ouvrages de science et de littérature. La révolution du papier favorise le développement de l’âge d’or islamique qui s’étend du VIIIème au XIIIème siècle. 

Envie d’en savoir plus ? 

L’Islam dans sa première grandeur (VIIIe – Xie siècle) par Maurice Lombard

L’Âge d’or de l’islam par Aly Mazahéri