Hypatie d’Alexandrie (≈370 – 415)
Hypatie – fille du mathématicien Théon d’Alexandrie – réside dans ce qui est considéré, sur le plan philosophique, comme la seconde Athènes. Elle y exerce une intense activité scientifique (mathématiques, astronomie, etc…) tout en dirigeant l’école néoplatonicienne d’Alexandrie.
A titre de clarification, le terme « néoplatonisme » est un faux ami inventé par l’anglais Thomas Taylor à l’occasion de la tradition d’un ouvrage publié au 18ème siècle. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un nouveau platonisme mais davantage d’un corpus articulé autour des textes de Platon, d’Aristote, de Cicéron et d’auteurs stoïciens mais aussi inspiré par des traditions orientales et hindoues. Délaissant toute considération politique, il embrasse une approche mystique de la philosophie tournée vers l’Un. Nous parlons ici d’une doctrine marquée par le concept de l’émanation posant que toute chose du monde, y compris les âmes humaines, découle, émane d’un principe ou d’une réalité première.
Décrite comme « extrêmement belle et gracieuse », Hypatie est avant tout une sommité intellectuelle qui n’hésite pas à improviser des conférences publiques sur Platon et Aristote en parallèle de riches enseignements dispensés à tous, chrétiens ou non.
Ce détail est de première importance dans la vie de l’alexandrine car le paysage politique d’alors, et notamment dans cette partie de l’empire romain, est marqué par la conversion progressive des romains à la foi chrétienne. Cette prise d’importance est parallèle aux décisions impériales qui anéantissent le paganisme tout en promouvant la nouvelle foi monothéiste. Ainsi, depuis 391, le christianisme est la religion d’État et l’empereur Théodose Ieur interdit le culte des idoles et ferme les temples païens.
Hypatie espére un rapprochement de la théologie chrétienne et des conceptions néoplatoniciennes, et se montre donc particulièrement tolérante à l’égard de toutes les croyances en entretenant des rapports de qualité aussi bien avec les partisans du christianisme qu’avec ses détracteurs.
Ce volontarisme est réduit à néant par le fanatisme de l’évêque Cyrille d’Alexandrie qui entre en conflit avec le préfet romain Oreste. Après une tentative d’assassinat du premier à l’encontre du second, le dépositaire de l’autorité impériale entame des représailles (mise à mort d’un proche conseil de l’évêque, rapport adressé à l’empereur, etc…) qui conduisent à un déchainement de violence.
A cause de son rôle de conciliatrice, de philosophe et de scientifique, Hypatie fait l’objet d’une campagne de dénigrements et de calomnies par Cyrille d’Alexandrie. En découle l’assassinat ignoble d’Hypatie – très probablement avec l’assentiment de l’évêque – décrit en ces mots par Socrate le scolastique : « Au cours de la fête chrétienne du Carême en mars 415, les parabalani [hommes de main de l’évêque] ont attaqué Hypatie alors qu’elle rentrait chez elle. Ils l’ont traînée au sol jusqu’à une église voisine connue sous le nom de Caesareum, où ils l’ont déshabillée de force, puis l’ont tuée avec des ostraka [ce qui peut être traduit par des « morceaux de poterie » ou des « coquilles d’huîtres »]. Ils ont ensuite découpé son corps en morceaux puis ont traîné ses membres mutilés à travers la ville jusqu’à un endroit appelé Cinarion, où ils ont mis le feu à ses restes. »
La mort violente d’Hypatie provoque une onde de choc dans l’Empire car, depuis des siècles, les philosophes sont considérés avec respect et épargnés par les violences qui éclatent dans les cités romaines. Malgré son rôle dans le supplice de l’érudit, la chrétienté reconnait Cyrille d’Alexandrie comme saint, aussi bien l’église catholique que l’église orthodoxe.
Envie d’en savoir plus ?
Hypatie, l’étoile d’Alexandrie par Olivier Gaudefroy
Hypatie d’Alexandrie par Maria Dzielska
Hypatie d’Alexandrie entre réalité historique et récupérations idéologiques : réflexions sur la place de l’Antiquité dans l’imaginaire moderne par Anne-Françoise Jaccottet