Baudouin IV (1161 – 1185) et la fin du royaume de Jérusalem

Descendant des croisés francs issus de la maison de Gâtinais-Anjou, le dernier roi de Jérusalem siège au sein de la ville éponyme prise par les croisés en 1099. Affligé de la lèpre, il n’en demeure pas moins souverain pendant plus de dix ans. 

Quelle est la situation des états latins d’orient formés à la suite des premières croisades ? Reprenant les codes et systèmes de l’Europe médiévale, le Levant est divisé entre le royaume de Jérusalem, le comté de Tripoli, la principauté d’Antioche et le comté d’Edesse. Les premiers succès sont difficiles à pérenniser et les troupes manquent, le constat est simple : le désintérêt de la chrétienté pour le sort des états latins d’orient limite à l’extrême les moyens à disposition des souverains locaux. 

A titre d’illustration, Foucher de Chartres dans son histoire de Jérusalem déplore tristement l’extrême précarité des garnisons à disposition dès le début du 12ème siècle : « Nous n’avions pas alors, en effet, plus de trois cents chevaliers et autant de gens de pied pour garder Jérusalem, Joppé, Ramla et le château de Cayphe. » 

Conscients des faibles moyens militaires, financiers et humains à disposition, les souverains successifs organisent une diplomatie qui s’améliorent à mesure que les croisés s’installent et que leurs descendants s’arabisent (port du keffieh pour lutter contre la chaleur notamment), maîtrisent parfaitement la langue et les mœurs des Orientaux. Il convient de préciser qu’aucun syncrétisme entre les dogmes chrétiens et musulmans n’est à l’ordre du jour. Contrairement à la diplomatie, la foi ne fait l’objet d’aucun aménagement. 

A ce propos, qui sont les Orientaux auxquels les textes font référence dans les différentes chroniques ? En Egypte, le sultanat fatimide. A l’est, l’émirat de Damas. Au nord, le sultanat de Roum. A cette mosaïque musulmane, il convient d’ajouter l’empire Byzantin dont le positionnement varie tout au long de la période des croisades (1095-1291) selon les souverains et intérêts en présence. 

Loin du carnage qui suivit la prise de Jérusalem, et qui est l’objet de fortes critiques dès cette époque, le quotidien des latins et des musulmans est généralement apaisé et respectueux. Ainsi, Ibn Djobaïr, musulman d’Espagne présent en Orient décrit la situation en ces mots : « les cœurs de nombreux musulmans sont remplis de la tentation de s’installer ici [au sein des Etats latins d’Orient], […], ils n’ont qu’à se louer de la conduite des Francs, en la justice de qui ils peuvent se fier. »

Formé par Guillaume de Tyr, véritable mémoire de cette époque grâce à son Histoire d’Outremer, Baudouin IV prend connaissance du mal incurable qui le ronge à la veille de son adolescence mais refuse d’abdiquer face à l’ampleur de la lourde mission qui lui incombe. Il se révèle être un souverain attentif, curieux, polyglotte et soucieux d’assumer l’entièreté de ses responsabilités. 

Dans ce contexte mêlant intrigues, rivalités internes et infériorité militaire, Baudouin IV se fait l’héritier de la stratégie de ses aïeux contre la montée de Ṣalāḥ ad-Dīn Yūsuf. Il profite de la division du monde arabe d’alors et, via des émissaires, organise des alliances – que l’on peut considérer comme surprenantes – entre le royaume de Jérusalem et des califes inquiets des volontés hégémoniques du très croyant Saladin. 

Militairement, à l’occasion de la bataille de Montgisard (1177), il parvient à mettre en déroute Saladin malgré une infériorité numérique écrasante. Cette victoire, l’une des dernières d’importance capitale en terre sainte, n’est guère exploitée à cause des divisions internes que Baudouin IV peine à solutionner, son état de santé ne lui facilitant pas la tâche. 

Une trêve s’organise et Saladin en profite pour unifier l’Egypte et le Proche-Orient (Alep et Damas notamment) afin de mettre définitivement fin à la présence des croisés au Proche-Orient. Epuisé par d’incessantes chevauchées et par la gestion d’un royaume exsangue, Baudouin IV dit « le Lépreux » décède le 16 mars 1185 à Jérusalem. S’en suit des luttes intestines qui permettent, deux années plus tard, à Saladin à reprendre définitivement Jérusalem. 

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Baudouin IV de Jérusalem par Pierre Aubé
Croisades et Orient Latin par Michel Balard 
Le Mystère des rois de Jérusalem (1099-1187) par Élisabeth Crouzet-Pavan